Mohamed Drizza : « Il n’y a pas de complot pour ou contre certains clubs »
Nous avons rencontré Mohamed Drizza, responsable des arbitres français et lui même arbitre, qui dresse le bilan de la saison passée et évoque les nouveautés pour la rentrée.
Mohamed, pour commencer, question simple, quel bilan global de la saison fais-tu pour l’arbitrage français ?
Cela a été une saison difficile avec notamment une fin de saison compliquée surtout le mois de juin mais je ne veux pas résumer la saison à cela. On finit un peu à saturation à cause de plusieurs événements mais globalement sur la saison je trouve qu’on a bien travaillé avec les entraîneurs et on a pu bien appliquer certaines consignes. Au niveau des tenus les choses se sont nettement améliorées et on a aussi beaucoup travaillé sur la protection des joueurs avec de bons résultats dans certaines catégories. L’Elite 2 a été le championnat le plus difficile…
En quoi ce championnat d’Elite 2 a été compliqué pour les arbitres ?
Il a été difficile car le niveau global du championnat a augmenté, certains joueurs ont le niveau d’Elite 1 sans problème et il y a aussi eu une vraie lutte pour la qualification. On a essayé de faire un effort de discipline dès le début de la saison pour les mettre sur les bons rails mais cela n’a pas tout le temps fonctionné. Cela a été une division très difficile à arbitrer aussi car les équipes pouvaient proposer des visages souvent très différents, passer de très disciplinée à pas du tout en 7 jours. Enfin l’agressivité a été trop présente sur beaucoup de matchs selon moi.
Plus globalement on voit de plus en plus de joueurs, staffs ou même dirigeants s’en prendre aux arbitres sur et hors du terrain via les réseaux sociaux et médias, comment le vivez-vous ? Est-ce qu’il ne faudrait pas mettre en place des sanctions pour éviter ces débordements ?
Avec tous les arbitres, depuis quelques années, on a décidé d’être plus ouverts à la discussion car on nous a souvent reproché de ne pas l’être et je pense qu’aujourd’hui c’est un peu le retour du bâton. J’ai demandé aux arbitres de ne pas répondre à toutes ces sollicitations ou attaques qu’ils peuvent voir sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Ils savent qu’ils peuvent être sanctionnés s’ils ne respectent pas cela.
Il n’y a rien de prévu dans les règlements généraux pour sanctionner ces critiques d’après match et beaucoup se permettent de le faire du coup comme on l’a vu cette année. C’est un peu facile en plus car ils savent que les arbitres ne vont pas répondre. Mais ce qui a vraiment été marquant pour moi cette année, c’est la paranoïa et la théorie du complot exprimés par certains clubs qui pensent que la fédération nous dictent nos actes alors que nous sommes indépendants et autonomes, il n’y a pas de complot pour ou contre certains clubs. Cette pensée décrédibilise notre travail et plus globalement l’arbitrage français.
On espère ne pas en arriver là mais il se pourrait qu’un jour ils se retrouvent sans arbitre pour leurs matchs, que l’on boycotte une journée si des événements se renouvellent, on y a déjà pensé la saison dernière à faire ce genre d’actions.
Où en es-tu au niveau de l’international ? Va-t-on encore voir des arbitres français au premier plan ?
Ça avance énormément au niveau international car trois arbitres français sont prétendants à la prochaine Coupe du monde en 2021, je travaille vraiment pour cela avec les différents acteurs dont le président de la RLIF. En deux ans, il n’y avait jamais eu autant d’arbitres français désignés sur la scène internationale. Un match qualificatif pour la Coupe du monde en Espagne sera arbitré par un Français, pareil pour un autre match en Italie. Pour la Coupe d’Afrique, Kevin De la Rose va officier au Nigéria. Tout doucement on arrive à remettre les Français sur les rails et j’espère vraiment qu’on les enverra à la Coupe du monde.
Il y a un problème de nombres pour les arbitres de XIII en France, peux-tu nous faire un point là-dessus ?
Oui on manque d’arbitres et du coup cela se répercute sur la qualité, c’est ce qui est le plus dérangeant finalement. Comme il y a peu d’arbitres, ils ne s’investissent pas autant qu’ils le pourraient car la concurrence n’existe pas vraiment, il y a trop peu d’émulations. Il y a souvent des matchs avec un seul arbitre, sans juge de touche et on sait que dans ces conditions c’est compliqué de faire le job.
Aujourd’hui on est monté à 130 arbitres mais les nouveaux sont essentiellement des jeunes qui sortent de l’école d’arbitrage et qui ne peuvent pas officier de suite au plus haut niveau. Ce sont des jeunes qui seront prêts dans quatre ou cinq ans. Il y a une vague d’arrêts aussi donc j’attends le mois de septembre pour pouvoir faire un décompte complet mais il se passe beaucoup trop de choses négatives pour pouvoir recruter… Mais je compte sur mes responsables régionaux pour augmenter le nombre. Et puis il n’y a plus de joueurs qui deviennent arbitre après leur carrière, je n’ai plus ce profil, c’est dommage.
Quelles seront les nouveautés dans l’arbitrage pour la reprise fin septembre ?
C’est la fin du « free play » ou « jeu libre », on était les seuls à le faire encore donc c’était à nous de nous aligner sur les autres. C’est le gros changement de la rentrée pour nous et il va falloir le faire comprendre aux joueurs mais aussi aux observateurs.
On va continuer à travailler sur la protection des joueurs aussi en sanctionnant tous les plaquages dangereux. Il y aura encore de l’arbitrage à deux, à nous de le perfectionner. Je vais aussi continuer à travailler en collaboration avec les entraîneurs.
Qu’est-ce que serait une bonne saison 2019/2020 pour l’arbitrage français ?
Une augmentation du nombre d’arbitres, que l’on améliore la formation des arbitres, que l’on arrive à travailler sereinement avec les clubs et qu’on continue de progresser au niveau international avec toujours plus de matchs pour les arbitres français.