Julien Treu : « Le XIII correspond très bien à la mentalité turque » (1/2)
Nous avons rencontré Julien Treu, membre du comité de directeur de la Fédération Turque, qui évoque le club qu’il a crée en Turquie et son rôle dans le rugby à XIII local.
Julien, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je viens de la région nantaise. Je suis parti en Irlande en 1998 où j’ai découvert le rugby à XIII. 3 ans plus tard via un joueur néo-zélandais (Larry Faifua) avec qui je jouais au Clontarf Rugby Club. Un été il m’a emmené voir un match des Dublin Blues et ça m’a plu. Par la suite je suis parti en Hollande et j’ai rencontré un Anglais passionné de XIII, Ian Thompson, qui a créé la fédération hollandaise de XIII. Mon père étant hollandais, j’ai pu représenter ce pays 2 fois. Par la suite je suis parti en Turquie et c’est là que tout a commencé.
Tu as créé un club en Turquie, les Kadiköy Bulls, peux-tu nous raconter un peu cette expérience ?
Lorsque je suis arrivé en Turquie la première chose que j’ai faite est chercher un club de rugby. Il n’y en avait qu’un seul sur la rive européenne d’Istanbul. Dès les premiers entraînements j’ai compris que ce n’était pas un joueur dont ils avaient besoin mais plutôt d’un entraîneur. J’ai donc commencé à m’intéresser à entraîner. J’ai commencé par aider une section jeune participant à un championnat scolaire montée par des Français évoluant dans le milieu scolaire local. Puis dans l’intérêt de développer le sport, avec des joueurs vivants sur la rive asiatique nous avons décidé de créer le club de Kadiköy. Bien sûr les premières démarches administratives ont été homériques ne parlant que très peu la langue, mais étant bien soutenu localement une fois ces étapes passées nous étions lancés.
Nous avons commencé en tant que rugby à XV mais très vite nous nous sommes retrouvés devant beaucoup de problèmes qui nous ont petit à petit éloigné du sport. Etant donné mon passage à XIII nous avons décidé de nous focaliser sur le XIII. Nous avons donc démarré le rugby à XIII seul avec les Kadiköy Bulls les 6 premiers mois. Puis nous sommes rapidement passés à 4 équipes la deuxième année, 5 équipes la 3ème jusqu’à aujourd’hui où le club participe avec une section homme et femme à un championnat composé de 10 équipes masculines et 4 équipes féminines.
Pourquoi avoir rendu ton tablier de président ?
La combinaison de gérer « Ragbi lig dernegi » (Turkish Rugby League association) tout en gérant un club est devenue aujourd’hui mission impossible dû à l’expansion du XIII localement. De plus j’entraînais le club 2 fois par semaine plus les matchs le week-end, c’est devenu aujourd’hui ingérable en combinant le travail, la famille, le club et la fédération. Heureusement pendant ces 6 ans nous avons établi une structure pour le club avec un bureau actif, des bénévoles volontaires, un peu de sponsoring et le soutien de la mairie. Le temps était donc venu de passer la main à la jeunesse.
Par ailleurs, développer la fédération nécessite que les autres clubs se structurent et deviennent des pôles de connaissances pour le développement local. Il faut donc aider et former les autres clubs pour rendre le championnat attractif et compétitif, le but étant de développer le XIII sur le long terme. Ça ne peut qu’être bénéfique pour les clubs déjà existants. J’ai vu l’exemple du XV en Turquie où un club gagne le championnat depuis 10 ans en écrasant tout le monde sans aider les autres, le résultat est désastreux… Pour l’instant c’est plutôt une réussite : Kadiköy a terminé tout de même champion mais avec une finale compétitive, un match très sympa à voir et Kadiköy a gagné son premier match de Balkan Super League contre le Lokomotiv Sofia 82 à 10. Pari pour l’instant réussi, on verra sur le long terme.
De ton œil extérieur, comment vois-tu l’évolution du championnat turc et de la Balkan Super League ?
Le championnat de XIII turc se déroule de septembre à janvier. Cette année, étant donné les distances entre les villes, nous avons divisé le championnat en 2 conférences : EST et OUEST. Les deux premiers de chaque conférence se sont rencontrés par la suite en demi-finale puis une finale avec 6 matchs organisés le jour même pour un classement final et un maximum de présence pour la finale. Jusqu’ici le développement est exponentiel et les possibilités sont infinies avec des villes comme Istanbul, Ankara, Izmir, Eskisehir, Bursa dépassant les millions d’habitants et des campus universitaires grands comme des villages.
Le développement, si bien géré, peut rapidement devenir compétitif. Nous avons mis l’accent sur le développement de joueurs locaux avec des test-matchs contre des nations proches ayant des joueurs locaux comme la Serbie, la Grèce, le Liban afin de donner les opportunités nécessaires aux locaux. Cette année nous avons un peu épicé le tout en y ajoutant une compétition internationale avec la coupe des nations émergentes en Australie, en y ajoutant le soutien de quelques figures de Super League (Jansin Turgut) et NRL (Aiden Seizer, Emre Guler) et l’apport de joueurs australiens d’origine turque. L’avenir est donc plutôt rose pour le XIII localement et nous en sommes très fiers.
La Coupe des Balkans est un autre projet qui était dans les tiroirs de la fédération Serbe. Lors de notre venue en Serbie, nous avons sauté sur l’occasion pour y participer et annonçant localement que sa participation y serait au mérite avec les 2 premières places du championnat turc qualificatif. C’est une très belle initiative qui je l’avoue a aussi été bénéfique pour l’intérêt de notre championnat. Tout n’est bien sûr pas parfait avec par exemple un manque de sponsors rendant certains déplacements trop coûteux, une structure encore un peu trop locale mais les choses avancent dans le bon sens. Le 13 correspond très bien à la mentalité locale, il ne manque donc pas grand-chose à cette compétition pour avoir un bel avenir dans les Balkans, surtout avec des noms comme l’Etoile rouge de Belgrade, le Partizan, le Lokomotiv Sofia, un intérêt local grandissant et des streamings qui ne cessent de gagner en qualité.
Quel est ton rôle à la fédération maintenant ?
Je m’occupe du développement du XIII localement ainsi que du coaching des équipes nationales masculine et féminine. Je vais donc rendre visite aux clubs pendant le championnat afin de les aider à se former sur l’arbitrage et les gestions des entraînements. Je m’occupe aussi de la création et du bon déroulement des compétitions (Championnat, Balkan Super League, Beach Rugby League, Tournois de 9, outils de suivi). Je suis chargé aussi de l’organisation et gestion des camps de sélections pour les équipes nationales masculine et féminine.
Combien de personnes y travaillent ?
Personne n’y travaille, nous sommes une association à but non lucratif, nous sommes donc tous bénévoles. Nous avons un comité directeur de 7 personnes avec chacun une tâche bien précise (le travail de terrain, logistique, presse, sponsoring…).
Impressionnant ce Monsieur! « le Treize correspond très bien à leur mentalité » dit-il. Encourageant. Les Balkans, la Turquie… ça bouge. Et dire qu’en France certains, beaucoup encore, croient que le Treize se pratique seulement à la marge.