Ycêne Sekmakdji : « Je ne laisserai pas passer »

Au cœur d’une polémique en raison du port d’un turban pendant un stage de l’équipe de France, Ycêne Sekmakdji nous donne sa version des faits sur cet incident.

Ycêne, tu a été appelée lors du stage de l’équipe de France féminine. Comment s’est passé le rassemblement ?

Sur le terrain, bien. On a été accueillie à Montpellier par la manager Lise M’Foudi. On s’est occupé de la partie sanitaire d’abord, puis on a rencontré le staff et le maire de Montpellier. Après ça, on a commencé par faire des étirements sur le terrain, puis Lise, la manager est venue me voir.

Elle m’a demandée, de façon très gênée, de retirer mon turban. Quand j’ai demandé pourquoi, elle m’a expliqué que ce n’était pas dans le règlement de l’IRL (NDLR, cette affirmation est fausse, le règlement mondial tolère bien le port du voile en entraînement et match). Et elle m’a fait comprendre que le fait que je le porte dérangeait un peu. J’insiste sur le fait que Lise n’était vraiment pas bien quand elle m’a demandé ça. Donc je l’ai enlevé.

Mais malgré ça, le stage s’est plutôt bien passé sur le terrain. J’ai demandé et obtenu la permission de le porter pendant la pause et je le retirais sur le terrain. En dehors de ça, rien ne m’a été dit et aucun reproche ne m’a été fait à l’instant T. Le stage a même été positif.

Qu’est-ce qui a donc provoqué cette affaire ?

J’en ai parlé avec des coéquipières et elles m’ont dit que ce n’était pas normal qu’on m’ait demandé de le retirer. Puis le dimanche, j’ai reçu un appel de la part de Colin Niez qui m’a demandé ce qui s’est passé. C’est à ce moment-là que j’ai compris que cette histoire avait pris une grosse ampleur.

Tu confirmes donc qu’en dehors de la demande polie de la manager, aucun cadre fédéral n’est venu te voir pour te demander de retirer ton turban ?

Personne. Et si je peux me permettre, le vice-président Gilles Estay a même été super sympa avec moi pendant le stage. Quand j’ai appris ces propos après coup, c’était vraiment deux salles, deux ambiances. Il a été super gentil avec moi lors de la photo. Il m’a demandé mes origines, mon nom de famille… Limite c’était préparé. Il m’a même raconté sa vie de joueur comme si j’étais son amie d’aventure. Et par derrière, il m’a détruite en disant « que le voile n’a pas sa place en équipe de France ». Je l’ai vraiment en travers de la gorge.

De nombreuses voix ont dénoncé des comportements sexistes et mysogines d’un cadre de la fédération. Les confirmes-tu ?

Totalement. Les propos sur mon voile, je ne les ai pas entendus de mes oreilles. Mais j’ai totale confiance en ceux qui me les ont rapportés. En dehors de ça, on a eu quelques réflexions pendant les photos. Du style, « rentrez vos ventres pour ne pas ressembler à un phoque ».

Ces réflexions t’ont-elles blessée ?

Oui j’ai été touchée. Mon ressenti a été de me dire, « on a beau être la meilleure du monde, si on a un turban sur la tête, on a aucune chance ». On m’a aussi dit que les couvre-chefs étaient interdits. Mais certaines s’entraînaient avec des casquettes… J’ai vécu ça comme une injustice. Et je déteste ça ! Ça tombe sur moi, mais j’aurais eu la même réaction si ça avait touché quelqu’un d’autre. Dans le fond, ça ne m’embête pas que d’autres s’entraînent avec des casquettes. Mais qu’on ne vienne pas m’embêter moi par ce que j’ai un turban.

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Je ne laisserai pas passer. Et je ferai tout pour ne pas que ça passe.

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Ces événements ont-ils impacté ton rapport avec le rugby à XIII ? Te vois-tu continuer à jouer malgré tout ?

J’aime le rugby et je l’aimerai toute ma vie. Ça n’impacte ni mon club, ni mon envie de jouer. Au contraire, ça me motive encore plus. Ça n’impacte pas mon travail au sein du club de Vaulx-en-Velin, que je continuerai à faire. Mais avec des gens comme ça, ça sera compliqué de revenir en Equipe de France. Je sais qu’ils ne sont pas tous comme ça dans le staff. Ça ne va pas me dégouter du rugby à XIII. Mais savoir que je risque de côtoyer des gens comme ça en équipe de France, ça me dégoûte.

Et surtout, quand je lis en commentaires certains propos de certaines filles… J’ai envie de dire, « Girl Power », c’est que quand ça vous arrange.

Envisages-tu de porter l’affaire plus loin ?

Oui. Je ne laisserai pas passer et je ferai tout pour ne pas que ça passe. Le règlement ne l’interdit pas et ce qui n’est pas interdit est autorisé.

Des filles non présentes lors du stage ont été ajoutées à la sélection. Y a-t-il une raison à ça ? Vous a-t-on donné les critères de sélection ?

Non. On ne sait pas pourquoi on a été appelé, ni pourquoi on n’a pas été appelé. Au final on ne sait rien. Ils n’ont pas appelé les filles et on a appris nos sélections à travers notre club. Les filles de Lyon l’ont su en voyant la liste officielle qui a été transmise au club. Appeler les sélectionnées aurait pourtant été la moindre des choses.

Le mot de la fin ?

Je ne crache pas sur les filles de l’équipe de France. Je serai à fond derrière ma coéquipière Elsa Bedu.

Treize Mondial