Rémi Casty : « Comme j’étais en tant que joueur, je ne vais pas changer en tant qu’entraîneur »
Tout jeune retraité des terrains, Rémi Casty nous a accordé une longue interview pour évoquer de nombreux sujets. Sa dernière année avec la montée en Super League, sa carrière de joueur, la saison des Dragons Catalans, l’arbitrage en France ou encore son nouveau rôle au Toulouse Olympique. L’ancien international français nous dit tout.
Rémi, tu as disputé ton dernier match de rugby à XIII il y a maintenant une dizaine de jours, avec un peu de recul as-tu assimilé le fait que tu ne rejouerais plus ?
Oui car c’était acté. Dans mon cerveau c’est décidé depuis un moment, je savais que c’était ma dernière saison, c’était bien réfléchi donc il n’y avait pas de surprise. Ce n’est pas une décision de dernier moment donc c’est plus facile. La dernière semaine je vivais tout comme la dernière fois en tant que joueur, dernière séance de musculation, dernière séance vidéo, dernier entraînement et dernier match. C’est fait et je suis plutôt content.
À aucun moment tu as eu l’idée de faire une saison de plus pour participer à la première saison du TO en Super League et à la Coupe du monde reportée en 2022 ?
Franchement non car j’étais motivé de faire cette saison 2021, je me sentais bien mais j’avais bien réfléchi à ma décision. Il y avait aussi la Coupe du monde mais je ne me voyais pas poursuivre cet événement après le report. Je vais vivre la Super League avec le TO mais ce sera pas en tant que joueur. J’ai fait ce que j’avais à faire dans ma carrière et je suis content.
Un dernier match avec un très gros enjeu, as-tu pu malgré tout savourer ces dernières 80 minutes ?
Il y avait tout qui était aligné pour ce dernier match, il y avait de l’enjeu. Une finale en plus c’était particulier pour nous les joueurs du Toulouse Olympique car c’était seulement notre deuxième match de la saison à la maison devant nos familles et le public en nombre. Tout était réuni pour passer une bonne soirée, il fallait juste finir sur le terrain avec la victoire et c’est ce qu’on a fait.
Tu arrêtes ta carrière de joueur professionnel mais pourrais-tu être ouvert à jouer en Elite 1 ou même à plus bas niveau juste pour le plaisir ?
Non car j’ai toujours fonctionné en me fixant des objectifs hauts et des défis. Je suis allé en Australie, j’ai fait la Super League puis le Championship avec l’objectif de monter. Ce sont des objectifs très élevés à chaque fois et dans ma ligne de conduite je ne me voyais pas jouer sans ça. Les gens se demandent pourquoi je ne signe pas à Lézignan comme c’est là que j’ai commencé. Si je vais à Lézignan est-ce que je vais être bien pour eux ? Est-ce que je ne vais pas me relâcher trop et du coup ne pas être assez efficace ? Et pour le plus petit niveau, prendre du plaisir avec des amis (et c’est vrai que j’en ai pas mal à Ferrals)… mais je peux prendre du plaisir avec eux dans un autre sport. En plus maintenant je suis concentré sur ma nouvelle tâche dans le staff du Toulouse Olympique et je veux être focus à 200% là-dessus.
Pour revenir sur cette dernière saison qui a été particulière, très peu de matchs à la maison, des rencontres espacées et des larges victoires chaque semaine. On ne vous a jamais vraiment senti bousculé ou en danger en 2021. Comment avez-vous fait pour rester focaliser et au top niveau ?
La saison a été dure mentalement surtout. Il y avait des matchs toutes les deux ou trois semaines, c’était difficile de rester concentré mais on avait un groupe de qualité avec beaucoup de joueurs qui ont déjà évolué en Super League et cela nous a permis de garder le cap. On a fait de très gros efforts à l’entrainement, on a fait des séances très intenses à se rentrer dedans en poussant à 100%. On faisait nos entrainements les jours des matchs et on a maintenu ce degré d’exigence toutes les semaines. Le week-end on restait focalisé sur nos performances en gardant en tête notre objectif de monter en Super League. Il y a certains week-end on se demandait où on était tombé mais on a jamais joué facile, on a tout le temps donné le maximum.
Ta carrière de joueur est maintenant terminée, tu as remporté la Challenge Cup en 2018, le Championship en 2021, si tu enlèves ces deux titres, quel est le moment marquant que tu ressortirais dans ta carrière ?
Mon premier match en NRL c’était vraiment quelque chose car c’était un rêve de gamin. Il y a eu le World Club Challenge contre Wigan avec les Roosters mais c’est vraiment le premier match de NRL face aux Bulldogs, c’était spécial. J’ai traversé la terre pour relever un gros défi et quand t’a rêvé de cela pendant de longues années et que tu y arrives, c’est quelque chose de magnifique.
Et d’un autre côté as-tu un gros regret sur ta carrière ?
C’est difficile, on essaye d’éviter d’avoir des regrets car cela veut dire qu’on s’est trompé à un moment donné. Plutôt un remord, d’être revenu aussi vite de NRL, j’avais signé deux ans, peut-être que j’aurai du faire une année de plus.
Ah si un regret avec l’équipe de France, de ne jamais avoir battu les Anglais. J’en ai joué pas mal face à eux, il y a eu des matchs plus accrochés que d’autres. Si on n’avait pu faire une performance contre l’Angleterre, cela aurai été magnifique.
Tu endosses un nouveau rôle, quel sera ta mission auprès de Sylvain Houles ? Est-ce que tu vas t’impliquer plus au niveau des avants ?
On a commencé à discuter des tâches qui me seront confiées mais oui ça sera plus axé sur les avants en attaque comme en défense mais aussi sur un suivi individuel avec certains avants. Pour l’instant c’est une trame mais on va se revoir pour définir clairement le cadre et tout ce qui va se passer pendant la prochaine saison.
Mais c’est vrai que j’ai joué au milieu toute ma carrière donc c’est sûr que c’est ce que je maitrise le mieux.
Est-ce que ce premier rôle d’adjoint c’est un tremplin pour toi de devenir entraineur principal d’un club ou du XIII de France ?
Comme j’étais en tant que joueur, je ne vais pas changer en tant qu’entraîneur. Tout ce que je vais faire c’est pour aller au plus haut niveau. Après je sais que ça doit se faire étapes par étapes et pour moi c’est le début d’une nouvelle carrière. Je veux être à fond dedans pour plus tard être entraîneur en chef. Je veux apprendre aux côtés de Sylvain, progresser et on verra où ça me mène mais chaque fois que je commence quelque chose, dans ma vie ou sportivement, je le fais pour aller au plus haut car c’est comme cela qu’on se remet en question pour être performant.
La saison des Dragons Catalans a été exceptionnelle, quel regard portes-tu sur ce qu’ont réalisé tes anciens coéquipiers ?
Ils ont démarré très bien la saison, ils se sont mis en confiance et après ils ont enchainé. Ils ont réussi à rester constants et ça a vraiment été le fil rouge de leur saison. Ils ont été emmenés par des joueurs comme Sam Tomkins et Sam Kasiano qui ont fait des saisons monstrueuses et derrière avec tous les jeunes qui avaient faim, ils ont fait une super saison. Finir premier ce n’est pas donné à tout le monde, après ils perdent la finale mais on sait contre qui c’est, St Helens, qui en avait déjà gagné deux. Perdre contre cette équipe de deux points c’est déjà une belle performance. Pour mes anciens coéquipiers j’étais vraiment content pour leur saison et malheureux pour eux pour la finale. Et aussi un peu malheureux pour le XIII en France car avec une victoire ça aurait eu un impact encore plus important au niveau de la médiatisation notamment.
Autre sujet qui concerne aussi cette finale. Il y a une pénurie d’arbitres en France et on a vu un vrai acharnement contre Liam Moore après sa prestation. Dur de créer des vocations dans un contexte comme celui-là, quel est ton sentiment sur la question ?
C’est un réel problème et tout le monde est concerné. Bien sûr il y a la fédération mais l’attitude des joueurs et des staffs comptent aussi, leur comportement. Les arbitres, surtout en France où ils ne sont pas professionnels, sont en nombre limité et donc ils ne sont pas toujours forcément de qualité. C’est très facile de tomber sur un arbitre, que tu sois joueur, entraîneur, dirigeant ou spectateur, quand tu perds, c’est la facilité de leur remettre dessus. Alors qu’avant il faudrait regarder si les joueurs ont été disciplinés, s’ils ont bien fait les choses ou alors pourquoi un joueur commence à contester dès la première minute alors qu’il n’y a rien. Pour avoir des matchs, il faut des arbitres, sinon il y aura des rencontres sans arbitre ou avec l’entraineur d’une des équipes au sifflet. C’est malheureux et ça ne devrait pas arriver. L’idée c’est que c’est un travail un peu de tous les acteurs et il faut bien comprendre que l’arbitre est un humain et peut se tromper au même titre que les joueurs se trompent souvent. Et puis il faut se mettre en tête quand on est joueur ou entraineur que l’arbitrage on ne le maitrise pas, on ne peut pas savoir s’il va faire un bon ou un mauvais match. Alors qu’il y a des choses que tu maitrises, ta discipline, l’application sur le terrain etc. Après une fois qu’on a parlé des acteurs sur le terrain, la Fédération doit aussi promouvoir l’arbitrage et amener des nouveaux jeunes candidats. J’ai entendu qu’ils voulaient mettre en place un arbitre par club, c’est une bonne chose, il faut commencer par quelque chose. Le spectateur conteste dans tous les sports, c’est comme ça, après il faut que ça reste raisonnable et de manière correcte. Mais c’est vrai qu’avec les réseaux sociaux tout est dans la démesure, il y a de l’excès. On peut trouver un arbitre pas bon mais il faut rester poli, la menace et l’insulte n’ont pas leur place.
Tu es un des plus grands joueurs français de rugby à XIII de par ton palmarès et ton nombre de matchs en Super League. Le Rugby à XIII est sur un bon élan avec les Dragons Catalans et le Toulouse Olympique. Comment vois-tu les choses et est-ce que tu es prêt à t’investir comme ambassadeur du sport ?
Bien sûr à 100%, c’est important. Tout ce que j’ai fait dans ma carrière c’était pour moi, la NRL c’était un rêve mais derrière il y avait quelque chose. Si je vais en Australie, c’est aussi pour montrer que des Français peuvent y aller et peuvent réussir. Il faut travailler en se servant de ce que font les Dragons Catalans et le Toulouse Olympique. La médiatisation ça viendra si ça gagne mais ça prend du temps. Quand je vois le basket, le championnat de France masculin n’a pas de diffuseur alors que l’équipe de France est vice-championne olympique. Donc il reste du boulot, il faut continuer à bosser à tous les niveaux et puis l’équipe de France est très importante. Pour les médias, c’est par l’équipe de France que tout se passe.
Moi être ambassadeur du sport et aider à mettre en place tout cela, bien sûr que je suis prêt à m’investir si on fait appel à moi. C’est le sport que j’aime et qui m’a fait vivre des moments extraordinaires. Aujourd’hui je veux rendre à ce sport. Et puis au niveau médiatique il faut monter des joueurs en tête de proue, Théo Fages doit être la star du rugby à XIII français et Arthur Mourgue la nouvelle pépite. Il ne faut pas avoir honte et peur de dire que ce sont nos Kalyn Ponga. Ces jeunes ont la tête sur les épaules et sont prêts à avoir des responsabilités. Tout peur aller vite avec les réseaux sociaux donc il faut les valoriser. Je suis convaincu que de monter quelques individualités peut aider à la cause treiziste, ça mettra de la lumière et les jeunes s’identifieront à eux plutôt qu’à un Australien. Il faut mettre en place des choses pour faire grandir notre sport qui est quand même très spectaculaire.
Un pronostic pour France – Angleterre ?
Ça va être difficile, il y a des absents. Mon coeur dit la France mais je suis pragmatique et je dis Angleterre d’à peine +10. J’espère me tromper dans le bon sens pour les Bleus.
Un grand monsieur du xiii.