Maxence Karoutchi, un agent déterminé
Maxence qui œuvre auprès de nombreux joueurs français, nous a accordé un long entretien sur son activité, sa relation avec ses joueurs et le XIII en France.
Maxence, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai 31 ans, je suis originaire de Toulon, terre quinziste et je l’espère prochainement treiziste avec notamment l’émergence du Sporting Treiziste Toulonnais. Je suis basé à Madrid depuis 2014, après avoir vécu 3 ans en Argentine. Je suis le premier agent français à avoir les deux licences : FFR depuis 2012, date à laquelle j’ai créé mon agence ACTIVrep, et FFR XIII depuis 2014.
A XV, j’ai été impliqué l’année dernière dans une trentaine de transactions, dont une dizaine entre des joueurs majeurs et des clubs de premier plan (TOP 14, Premiership et Super Rugby). A XIII, je représente 5 joueurs en Super League (Tony Gigot, Benjamin Jullien, Antoni Maria, Gadwin Springer et Fouad Yaha), 3 en Championship (William Barthau, Charles Bouzinac et Stan Robin), puis 2 joueurs que j’espère voir évoluer au plus haut niveau prochainement (Damien Cardace et Mickael Goudeman).
J’ai fait le choix de travailler avec un groupe restreint de joueurs pour ne pas avoir de concurrence au sein de mon squad et travailler avec les meilleurs, aussi bien sportivement qu’humainement, point auquel j’attache beaucoup d’importance.
Quel est votre parcours avant d’être agent de joueurs ?
Mon parcours n’est pas classique puisque je ne suis pas un ancien joueur. J’ai baigné dans le rugby à XV avec mes amis d’enfance, qui commençaient leurs carrières en centre de formation au RCT lorsque j’étais au lycée. J’ai ainsi fait le choix de passer des concours pour intégrer une école supérieure de commerce après une licence en management international. Quant à mes expériences professionnelles, avant de devenir agent, j’ai travaillé comme responsable commercial au sein d’un club de football de CFA puis pour IBM en Espagne et en Argentine, en qualité de responsable grands comptes.
Vous êtes un agent reconnu à XV, pourquoi œuvrer à XIII dont le marché est plus restreint ?
C’est une bonne question… J’ai fait le choix de travailler dans le XIII parce que ce sport me passionnait et me passionne toujours autant. Je l’ai découvert durant mes études, puis sous un autre angle en conseillant brièvement Walid Kadir lors de la création du Sporting Treiziste Toulonnais.
D’autres rencontres m’ont conforté dans ce choix. J’ai pu découvrir que les joueurs français n’étaient pas accompagnés, ou s’ils l’étaient, c’était par le biais d’un agent anglais ou australien.
Je respecte ce choix mais je pense que le travail d’un agent n’est pas uniquement de chercher ou de signer un contrat avec un joueur. Je crois beaucoup en l’accompagnement pour comprendre l’homme et donc l’aider au mieux. Aujourd’hui je considère le XIII comme un plaisir. En ce sens, je travaille exclusivement avec des joueurs français à XIII, car si je le considérais autrement cela ferait un moment que j’aurais arrêté cette activité compte-tenu des particularités de ce sport.
Quels sont vos critères pour approcher un joueur ?
Je cible uniquement des joueurs en qui je crois réellement, en qui je retrouve les valeurs de mon agence (détermination, travail et honnêteté), et pour lesquels mon travail aura un sens.
Je fonctionne par analyse vidéo et sur recommandation.
Le temps est limité, et si l’on veut faire un travail qualitatif, j’estime qu’il faut être sélectif… Lorsque je contacte un joueur, c’est parce que j’estime que l’on peut faire quelque chose. Je ne prends pas un listing d’effectif et contacte les joueurs ligne après ligne. Il m’est aussi arrivé de refuser d’accompagner des joueurs car ils ne rentraient pas dans mes critères (tout comme des joueurs ont fait le choix de travailler avec d’autres agents).
J’ai fait le choix de ne pas partir à la pêche, de lancer un filet et de voir uniquement ceux qui ont survécu. Mon travail est avant tout minutieux, et davantage basé sur le long-terme. C’est pourquoi je fonde mon travail sur la confiance.
Quelle est votre méthode pour proposer un joueur français ?
Chaque année je pars une semaine en Angleterre pour rencontrer l’ensemble des clubs en personne, pour échanger sur leur recrutement et sur les profils des joueurs que je représente.
Ensuite, j’ai des contacts réguliers avec les responsables de club pour voir comment évoluent leurs besoins tout au long de l’année.
Outre votre rôle dans le recrutement de joueurs, dans quels domaines intervenez-vous ?
Dans l’accompagnement du joueur. Lorsqu’ils en ont besoin et l’expriment, je peux les accompagner sur des projets de reconversion. Concernant les aspects financiers, j’ai plusieurs gestionnaires en patrimoine référents, et sur l’aspect communication je les conseille mais dans le rugby à XV et à XIII il y a malheureusement très peu de matière.
De plus en plus de Français jouent en Angleterre (Super League ou Championship), à quoi l’attribuez-vous ?
Je pense qu’il y a eu une vraie prise de conscience chez les joueurs français, que s’ils voulaient faire du rugby à XIII un métier, il était impossible de ne pas prendre en compte la possibilité d’évoluer en Angleterre.
Aujourd’hui le championnat en France est très pauvre, il y a très peu de joueurs qui sont professionnels, ils sont pour la plupart pluriactifs.
Pourquoi selon vous la NRL semble si peu accessible à nos frenchies ?
C’est assez complexe.
La première difficulté se situe par rapport au fait que ces joueurs sont en concurrence avec des joueurs du pacifique qui sont beaucoup plus simples à faire venir en Australie et sans doute plus accessibles financièrement.
Il y a ensuite les difficultés liées à l’éloignement. Il est compliqué pour un joueur français qui ne joue pas dans un premier temps, d’être si loin de sa famille aussi longtemps. Enfin peu de joueurs français ont figuré parmi les top players en Super League pour prétendre à une place dans un squad de NRL.
Avoir au moins un deuxième club en Super League
Quels sont les chantiers indispensables au développement du XIII en France ?
Je crois et espère une Super League élargie au niveau européen plutôt qu’au développement d’un championnat en France compte tenu de la difficulté du XIII dans l’espace médiatique par rapport au XV.
Je pense donc qu’il serait nécessaire pour le XIII en France d’avoir au moins un deuxième club en Super league (avec si possible 80-90% de joueurs français), et si possible un jour un troisième club, celui-ci dans une ville majeure.
Le fait d’avoir deux ou trois équipes françaises de plus en Super League augmenterait la rivalité avec les clubs anglais, et au sein des clubs français, ainsi que l’intérêt en France pour la compétition européenne principale. Cela confronterait les joueurs et aiderait à tirer l’Equipe de France vers le haut.
Comment sentez-vous le XIII en France durant cette Coupe du Monde ?
Pour connaître cinq des joueurs en Equipe de France, je sais que ce sont des compétiteurs qui feront tout pour défendre au mieux nos couleurs et représenter au plus haut notre pays dans cette compétition. Ils ne lâcheront pas.
J’ai néanmoins une pensée particulière pour trois autres de mes clients qui n’ont pas pu participer à la Coupe du Monde :
Tony Gigot, qui a été privé à 27 ans d’une participation à la Coupe du Monde alors qu’il était au meilleur moment de sa carrière, ainsi que Gadwin Springer (finaliste en Super League) et Stan Robin (auteur d’une excellente saison avec le TO XIII), dont l’apport de leurs qualités respectives aurait été bénéfique à l’équipe.