Laurent Dupuy : « Retrouver sa place au sein du patrimoine sportif français »
Nous avons rencontré Laurent Dupuy, CTS auprès de la FFR XIII, qui évoque son choix de partir vers de nouveaux horizons et qui revient sur ses belles années passés à XIII.
Laurent, peux-tu te présenter ?
Laurent Dupuy 50 ans (dans 1 mois), CTS auprès de la FFR XIII depuis le 1er septembre 1997. J’ai oeuvré d’abord auprès de la Ligue IDF durant 3 saisons puis auprès de la Ligue Aquitaine jusqu’en 2017 en qualité de Conseiller technique régional. Depuis 1997, j’ai une mission Nationale principalement basée sur le Développement.
D’un point de vue sportif, j’ai dans ma jeunesse touché à pas mal de sports différents ( judo, gym, natation, athlétisme, roller skating, football) avant de me fixer au rugby à XV sur les bords du Bassin d’Arcachon. J’ai débuter en U13, connu les sélections régionales en U15 et U18 puis le capitanat de la sélection régionale U26. J’ai ensuite poursuivi à la Teste de Buch en seconde division jusqu’au groupe B. Hélas j’ai eu une vilaine blessure aux cervicales (C5C6) qui m’a obligé à passer par une greffe osseuse et interrompre ma carrière durant 18 mois.
Dans le même temps j’ai découvert , après être entré au STAPS de Bordeaux, le rugby à XIII universitaire.
Interdit de pratique quinziste à mon poste de prédilection (talonneur), je suis passé à XIII à l’issue de ma participation à la coupe du monde universitaire de 1996 à Halifax.
J’ai été plusieurs fois champion de France universitaire avec la sélection bordelaise, j’ai joué aux Girondins de Bordeaux puis ma réussite au concours du professorat de sport m’a obligé à quitter le club pour Paris.
N’étant pas du sérail, j’ai d’abord ni joué ni entraîné pour me consacrer qu’à mon poste de cadre puis j’ai été appelé par le club de Corbeil-Essonnes en tant qu’entraîneur. L’opportunité de rentrer au pays c’est présentée au départ de Michel Mazare. J’ai alors effectué deux saisons en tant que joueur-entraîneur au Mas d’Agenais à la demande de JL Vignes.
J’ai entraîné l’équipe de France Universitaire de 1997 à 2005 puis les équipes de France U18 et U19 de 2006 à 2013, le XIII de France féminin de 2014 à 2017 et depuis 2017 je suis manager sportif de l’équipe de Para Rugby XIII.
Pourquoi « quitter » le XIII pour de nouveaux horizons ?
Je quitte mon poste de conseiller technique sportif (CTS) pour devenir conseiller d’animation sportive (CAS) à la Direction Régionale JSCS de Bordeaux Nouvelle Aquitaine. J’avais toujours anticipé le fait que je ne souhaitais pas vieillir au poste ! C’est très exigeant familialement et cela implique beaucoup d’énergie. Quelques petits soucis de santé personnels me laissent penser qu’il faut que je lève le pied notamment au niveau des déplacements en voiture.
De plus la réforme de la gouvernance du sport en France souhaitée par le gouvernement actuel met en péril le statut de CTS. J’ai eu une opportunité pour rebondir, je l’ai saisi ! Disons que j’ai anticipé sur mon projet initial d’une olympiade.
Peux-tu nous dire en quelques mots ce qu’est ce nouveau poste ?
Je pars pour m’occuper de la mise en place et du suivi des diplômes sportifs liés aux métiers de la Forme et du Surf. Ceux sont deux gros secteurs professionnels spécifiquement en Nouvelle Aquitaine pour le premier et nationalement pour le deuxième puisque c’est le secteur qui brasse le plus de stagiaires en formation.
L’expérience acquise au sein de la FFR XIII avec les collègues de la DTN lors de la refonte de nos diplômes, la création de la plate forme de formation à distance Fédérale, la création de l’Institut National de Formation ont été un plus en terme d’expérience.
Si tu devais ressortir deux moments marquants de tes années de 13, lesquels et pourquoi ?
Alors l’exercice de style est compliqué mais disons la victoire avec l’équipe de France U sur l’Australie à Villeneuve-sur-Lot en 2004. Dernière victoire française face à eux ! Coucou à Bertrand Plantè qui était mon assistant coach.
La deuxième, le match nul face aux Anglaises à Biganos en 2014. Grosse déception pour les joueuses qui ont mené jusqu’à la dernier minute. Une pénalité jouée au pied, une touche pas trouvée et un essai en coin non transformé encaissé sur la récupération qui ramène nos adversaires au score de parité. Énorme frustration de mon côté car j’étais persuadé que la victoire était non seulement possible mais nécessaire pour notre mouvement et favoriser le développement de la pratique féminine. Mais il y en a plein d’autres ! Les tournées et les coupes du monde universitaires, la tournée avec les U18 en Australie qui m’a permis de comprendre plein de choses sur la formation du joueur, la mise en place du plan Vita XIII avec P. Pedrazzani, A. Janzac et surtout François Gary. Un beau projet qui connaît un chouette succès et qui devrait encore grandir dans le futur.
Dans tes années treiziste, quel est ta plus grosse déception ?
Que les médias ne s’intéressent pas plus à nous pour nous aider à mieux nous structurer. En gros, ils te disent, devenez forts et nombreux et on viendra ! Hélas, compte tenu de la concurrence, si tu n’a pas de visibilité tu es en permanence dans la lutte pour exister, dans la souffrance du moindre échec qui remet tout l’édifice en question. Le XIII est fait de passion, de parcours hors normes, de conjonctures parfois très douloureuses, de victoires héroïques. On est en permanence dans un ascenseur émotionnel. Parfois la stabilité dans une phase haute c’est bien aussi !
Quelles perspectives pour la fédération ? Le 13 en France ?
Les perspectives de la Fédération c’est de retrouver sa place au sein du patrimoine sportif français. Le rugby à XIII est un sport fabuleux, spectaculaire et télégénique. Mais face à la concurrence et dans une société de consommation où il faut toujours plus, résistera-t-il ? Je ne sais pas, je le souhaite sincèrement comme beaucoup. Il nous faut, nous, peuple treiziste, se mobiliser pour réussir à séduire. Cela passe par des stades pleins lors de nos événements. Sans doute faut’il les rendre encore plus attractif mais on en revient toujours au nerf de la guerre. La Fédération est l’émanation des clubs, c’est eux qui votent et au travers d’eux chaque licencié(e). La Fédération porte un projet. Il est soutenu, jusqu’à preuve du contraire, par la majorité des clubs. Accordons lui le temps de l’exercice et cessons nos querelles intestines. Depuis que je suis au XIII j’entends dire que le pire ennemi du treiziste c’est le treiziste lui-même ! Sans être psychiatre, on peut se demander si nous n’avons pas non plus des tendances auto-destructrices voire suicidaires !
Plusieurs départs de CTS ou ancien CTS ces derniers temps, comment l’expliques-tu ?
D’abord par l’âge ! André et Patrick sont partis en faisant valoir leurs droits à la retraite.
Puis aussi par l’usure mental et physique. C’est pas simple de s’entendre dire tous les jours par les dirigeants ou les bénévoles que si cela ne marche pas c’est la faute aux cadres techniques ! Sous couvert d’être des professionnels , il faudrait que nous soyons corvéables à souhait, responsables des errements de certains !
C’est un métier d’engagement, de terrain, de réseau, de compromis, de réussites et aussi d’échecs. On en revient au réservoir d’énergie ! Quand y en a plus c’est compliqué de faire semblant. Nous sommes des passionnés mais nous devons aussi rendre des comptes à notre employeur qu’est l’Etat.
Il y a des politiques publiques à mettre en œuvre qui parfois semblent très loin de la compétition mais c’est une exigence du ministère des Sports.
Que peut-on te souhaiter pour la suite ?
La santé et plein de bons moments de joie au gré des retrouvailles autour des terrains. Et un 3ème titre mondial pour notre équipe XIII fauteuil.
Merci d’avoir servi le XIII si assidûment.
Le départ de Laurent est une perte. Oui, c’est vrai les meilleurs ennemis du XIII sont les treizistes eux-mêmes: manque de travail en équipe, incompétence, vision restreinte et non globale de la problématique du XIII, égoïsme….
Toutefois, cet article est présenté de façon très diplomatique car la direction de la Fédération actuelle est suicidaire et de par son aveuglement despotique a fait encore plus couler le XIII.