XIII made in France #6 : Mohamed Drizza, monsieur arbitrage en France
Treize Mondial a décidé de mettre en avant les personnes qui participent au développement du XIII en France. Pour le sixième épisode de « XIII made in France », nous sommes partis à la rencontre de Mohamed Drizza, l’homme fort de l’arbitrage en France, qui a répondu à toutes nos questions sans concession.
Mohamed, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Mohamed Drizza, j’ai 37 ans, je suis originaire de Carpentras et cela fait maintenant 22 ans que j’arbitre.
Comment êtes-vous devenu arbitre de XIII puis responsable de ses arbitres ?
J’ai découvert cela un peu par hasard, on m’a demandé d’arbitrer des jeunes, cela m’a vraiment plus et ensuite j’ai pu gravir les échelons pour arbitrer des matchs toujours plus intéressants. Je n’avais pas du tout imaginé le devenir si vite mais la démission de Richard Frileux au mois de septembre m’a poussé à porter ma candidature au près de la Fédération en tant que leader au sein de l’arbitrage depuis quelques années. Elle a accepté et ma volonté était de ne pas choisir entre arbitrer et être le responsable donc j’ai décidé, avec leur accord, de faire les deux, je suis un peu l’équivalent d’entraineur/joueur. Cela me permet d’être toujours en contact avec le jeu, ce qui est positif mais c’est aussi compliqué car ma fonction me demande du temps et un devoir d’exemplarité.
Comment se passe une semaine type pour un arbitre de XIII en France aujourd’hui ? Combien de temps par semaine consacre un arbitre au travail de visionnage vidéo ?
Pour les 12 arbitres du pôle élite, ils ont un match le week-end, samedi ou dimanche. Ensuite, ils ont tous accès à leur match sur un serveur et ils doivent nous envoyer l’analyse de leur prestation. De mon côté je visionne les 5 matchs d’Elite 1 et Stéphane Vincent visionne ceux d’Elite 2 pour ensuite confronter leur analyse à la notre. L’objectif est de ressortir ce qui n’allait pas et ce qu’il doit travailler pour le prochain match. Enfin je leur envoie une vidéo review avec plusieurs clips vidéos pour mettre en avant les points sur lesquels on doit faire attention, toujours accompagnés de consignes pour le week-end suivant. On travaille vraiment chaque semaine pour améliorer nos performances le week-end. Chaque arbitre passe deux heures pour analyser un match et ensuite, ce que certains font en plus, c’est des preview, c’est à dire regarder les matchs des équipes que l’on va arbitrer le week-end suivant. Pour ceux-là, il y a bien quatre heures de travail vidéo.
Pour ce qui est de l’entrainement physique, comme nous ne sommes pas professionnels, chacun gère cela comme il veut mais il faut 3 ou 4 séances par semaine pour tenir le rythme de l’Elite.
Il y a eu une forte baisse du nombre d’arbitres cette saison, comment faites-vous pour en recruter de nouveaux ? Avez-vous un objectif de recrutement ?
Depuis le mois de décembre, j’ai alerté la Fédération car cela devenait compliqué de désigner des arbitres sur tous les matchs. De cela est né un plan de développement qui va se faire sur 3-4 ans puisque le recrutement et la formation d’arbitres ne se fait pas du jour au lendemain. Nous allons bientôt dévoiler ce plan de développement qui a pour but de mettre des actions en place dès la saison prochaine et ce qui est sûr c’est que cela passera par plus de formations, par le fait d’attirer d’anciens joueurs, de demander aux clubs de s’investir là-dedans et aussi une protection des arbitres car on s’est rendu compte que certains avaient peur d’arbitrer.
Aujourd’hui, il y a 85 arbitres et nous voulons remonter au dessus des 120 dès que possible.
Quels sont les moyens mis en place pour former les arbitres ? Combien de temps cela prend pour former correctement un arbitre capable d’évoluer en Elite 1 ou mieux ?
Il y a des formations au niveau local qui sont assurées par des responsables régionaux, ce que l’on appelle des réunions mensuelles. Cette année, nous avons aussi expérimenté des réunions de bassin pour mixer les comités du Tarn et de la Haute Garonne. L’année prochaine, il y aura encore plus de vidéos et je vais créer un pôle pour les juges de touche car c’est un tremplin pour devenir arbitre principal.
Pour former un arbitre, c’est très variable et apprendre les règles n’est pas du tout le plus compliqué. Il a besoin d’engranger de l’expérience pour pouvoir gérer les aspects « management », connaissance du jeu ou communication, c’est cela qui met le plus de temps. Ce n’est pas possible d’arriver en 3 ans à arbitrer des matchs d’Elite 1, pour moi il faut au moins 5 ans pour qu’il puisse y parvenir.
Considérez-vous que votre Fédération alloue assez de moyens pour l’arbitrage en France ?
La nouvelle Fédération que nous avons depuis deux ans est très à l’écoute et se rend compte des enjeux liés à l’arbitrage. Ils sont vraiment derrière nous, même s’il y a eu des restrictions financières dues à la conjoncture actuelle. Je sens vraiment qu’ils ont envie de nous aider et je n’ai aucun frein dans le développement que je veux apporter à l’arbitrage en France pour le moment. Je ne pense pas au court terme dans mes relations avec la Fédération, il faut être patient et au fur et à mesure nous aurons encore plus de moyens.
Qualitativement comment jugez-vous le niveau de l’arbitrage français ? Quels sont pour vous les points les plus importants sur lesquels les arbitres français doivent progresser ?
Ce qui est vrai, c’est qu’il est inégal. Ce qu’il se passe en Fédérale ne sera pas la même chose que ce qu’en Elite 1. Il ne faut pas oublier que nous sommes des amateurs et en prenant cela en compte je trouve que c’est vraiment très bien ce que nous faisons. En Super League ce sont des professionnels et entre nos meilleurs éléments et eux il n’y a pas trop d’écart. Après c’est sûr que si un jour une cellule professionnelle se crée, l’arbitrage deviendra encore meilleur.
Je pense que tant que nous ne travaillerons pas en collaboration avec les entraîneurs, ce sera difficile de progresser. Il faut que nous arrivions à travailler plus ensemble car s’ils sont capables de passer nos messages aux joueurs de façon pédagogique, je pense que le niveau de l’arbitrage progressera. Il ne faut pas se positionner chacun de son côté mais que l’on travaille tous ensemble pour que le match aille dans le bon sens.
Seriez-vous favorable à la vidéo sur tous les matchs si c’était possible ?
Nous l’utilisons sur les finales pour le moment et j’y suis favorable. Après cela ne résoudra pas tout, c’est bien pour les essais ou pour les agressions mais ce dont en quoi je crois vraiment et que nous allons mettre en place pour les phases finales et le Magic week-end, c’est l’arbitrage à 2. Les Australiens ont inventé cela et pour moi c’est le top.
En NRL, il y a eu un retour aux bases avec notamment l’obligation de talonner au pied, va-t-on voir cela en France ? N’est-il pas important pour le XIII que les règles soient uniformisés entre tous les pays ?
En début de saison, j’avais mis l’accent sur le fait de revenir à du talonnage et j’ai redemandé il y a 15 jours aux arbitres de redoubler de vigilance là-dessus. Pour moi c’est la base de notre sport, c’est ce qui donne le tempo au match et cela évite que les défenses montent trop vite. Mais nous ne sommes pas à l’entraînement pour faire en sorte que les entraîneurs le fassent travailler à leurs joueurs. Tout doit partir de là et c’est pour cela que je mettais l’accent sur la relation entre arbitres et entraîneurs.
Après c’est vrai que pour l’uniformisation, chacun fait un peu ce qu’il veut. La Super League a ses règles, la NRL les siennes et en France on essaye de se caler sur la Super League mais on s’éloigne de plus en plus des règles internationales. Du coup, c’est vrai qu’on ne sait plus trop quel rugby jouer et je le déplore et le dis depuis longtemps. Il doit y avoir un élan là-dessus qui vient de la Fédération Internationale. A notre niveau, nous devons rester sur les fondamentaux et ne pas trop être en décalage avec les autres championnats pour que sur les matchs internationaux, les joueurs aient les bons repères.
Un dernier mot, il y a souvent des personnes qui critiquent l’arbitrage, qu’avez-vous envie de leur répondre ?
J’aimerai leur dire que quand un arbitre entre sur le terrain, il essaye de faire une bonne performance, de prendre les meilleures décisions sachant que ce n’est pas un robot. Il faut faire preuve de compréhension par rapport à ses choix et il essaye d’être le plus impartial possible. Un arbitre est nécessaire au jeu mais que c’est un « art » difficile. J’invite ceux qui critiquent le plus à venir essayer et prendre un sifflet.
Quand on voit les décisions des commissions de discipline et d’appel on ne peut que être inquiet sur les futures vocations. MM les censeurs vous vous devez absolument de protéger les arbitres et officiels,.