
Début de saison NRL : L’oeil du technicien Laurent Garnier
Alors que la 5ème journée de NRL bat son plein, nous avons échangé avec un vrai spécialiste de la ligue australienne, Laurent Garnier, consultant sur beIN SPORTS. Il revient sur le début de saison, les surprises, les déceptions et sur l’arbitrage.
Commençons par les déceptions de ce début de saison, avec notamment les Parramatta Eels qu’on attendait en haut du classement.
Pour les Eels, l’après Radradra se révèle très difficile. Il arrivait la saison passée à marquer des essais en ayant récupéré le ballon dans ses 10m. Cette année c’est plus compliqué. Brad Arthur est un coach très très intense, qui met la pression. A ce niveau-là, ça devient psychologique, rien ne fonctionne et les blessures arrivent.
Et Jarryd Hayne qui est arrivé cette saison, sa réputation de Diva est-elle justifiée ? Peut-il avoir une mauvaise influence sur le groupe ?
Mon avis sur Hayne est simple. Il a vécu ce que quelques joueurs dans leur carrière vivent. En 2009, en fin de saison, il mène les Eels alors 8ème, en finale, avec des actions venues d’ailleurs. Depuis, lui et son manager essaient de capitaliser sur cet état de grâce qui, une fois parti ne revient jamais (on peut penser à Ben Barba à l’époque Bulldogs, même s’il se refait un peu aux Saints en Super League cette saison). Ils y sont plutôt bien parvenus jusque-là, avec la NFL, les Titans…mais rien ne réussit plus comme en 2009. Hayne est un joueur qui est rentré dans le rang depuis longtemps et dont on attend désormais l’impossible.
J’ai l’impression que d’autre joueurs sont dans cette optique, faire une grosse saison pour décrocher un gros contrat, et derrière c’est la déception.
J’ai déjà vu ça en Super League mais c’est plus rare ici tant le niveau est élevé. Mais il y a sans doute des cas. C’est naturel aussi, les carrières sont courtes et tout le monde ne finit pas millionnaire. D’autres joueurs refusent aussi des offres plus juteuses pour rester dans un club ou avec un coach.
Il y a aussi beaucoup de mouvements en dehors de ce qu’il se passe sur le terrain, qui déterminent énormément les performances des équipes et des coachs. Avec Craig Bellamy et Paul Green, deux coaches majeurs en fin de contrat en 2018, le jeu des chaises musicales a commencé (la démission de Kevin Walters n’est peut-être pas étrangère à ces futurs changements aussi). Wayne Bennett est sous contrat encore la saison prochaine, mais lui c’est différent, c’est le seul coach au monde qu’on ne vire pas, c’est lui qui choisit.
Et du coup qui sont les plus impactés, les joueurs ou les coachs ?
Les deux mais bien sûr cela est plus visible sur les joueurs. Les Cowboys doivent en souffrir en ce moment, en plus du fait que la dynamique Thurston-Morgan n’est plus la même. Tu fais la finale sans tes 2 plus grandes stars (JT et Scott) et quand tu les récupères, tu as un relâchement coupable mais compréhensible. L’absence de Coote par dessus et tout cela ajouté tu obtiens un début de saison très moyen. Tant qu’il n’y aura pas de solutions à ces problèmes, tu continueras à avoir de l’inconstance.
Même chose pour le Storm ?
Eux, c’est le contraire, ils doivent s’adapter à l’après Cronk. Mais leurs performances sont quand même assez correctes et la relève semble à la hauteur avec Brodie Croft et Cameron Munster. Il faut voir comment ils évoluent au cours de la saison.
Parlons maintenant des satisfactions de ce début d’année et notamment des Dragons de St Georges Illawarra.
Gareth Widdop a pris énormément de confiance avec la coupe du monde. Il a porté l’Angleterre. Avec Ben Hunt qui prend la gestion du jeu, il est beaucoup plus libre. On s’aperçoit que Hunt manque beaucoup aux Broncos. Après il faut attendre encore un peu car la saison dernière ils ont aussi bien démarré (6 victoires sur les 7 premiers matchs) et ont raté la qualification de peu.
Plus surprenant, les 4 victoires pour 1 seule défaite des Tigers.
Le coup de génie de Ivan Cleary est d’avoir pu convaincre son board de démanteler le big 3 Wood-Moses-Tedesco. Une fois les égos écartés, tu peux commencer à coacher sur le terrain. Et quand il y avait Farrah c’était pire. Il a nettoyé le vestiaire, une vraie réussite de manager.
Le retour de Josh Reynolds peut-il casser cette belle dynamique ?
Je ne pense pas, Reynolds est un guerrier, un caractère. Si la sauce prend, il apportera un plus au collectif. Et puis au cas où ça coince un peu, il y a « Papa Benji ».
Plutôt confiant donc pour le reste de la saison des Tigers ?
Pour en avoir parlé avec des coachs et des préparateurs physiques, ce qui détermine la saison d’un club, c’est aussi le nombre de blessures. Paul Green m’avait dit lors du World Club Challenge à Leeds en 2016 : « on gagne l’an passé car on a pratiquement pas eu de blessés« . La gestion des blessures dans le groupe est primordiale pour la performance et la constance.
Les Warriors par exemple, s’ils restent en bonne santé, ils peuvent aller loin cette année ?
Pour les Warriors c’est tout bon ou tout mauvais. Attendons encore un peu, on a tellement été déçu dans le passé. Le potentiel est là depuis longtemps, il faut désormais de la continuité. Les Warriors sont une équipe qui avance en ce moment et la philosophie d’arbitrage de cette saison, avec un tenu plus rapide, les avantage.
Justement, que pensez-vous de la polémique de ce début de saison sur les records de pénalités sifflées par les arbitres ?
L’arbitrage veut bannir les pénalités qui coupent le rythme de l’attaque (notamment dans les 20m adverses), ce qui est bien dans l’absolu pour le nombre d’essais marqués. Si tu laisses ces fautes s’enraciner dans le jeu, tu vas arriver à l’élaboration de véritables tactiques par des équipes. Une culture de la faute au bon moment. La fluidité de l’attaque est rompue avec en plus quelques secondes de récupération qui avantage la défense. Certains préférant encaisser 2 points plutôt que 6. C’est pour cela que les règles sont appliquées à la lettre désormais. Mais le problème est que les équipes doivent s’adapter à cet arbitrage qui est sans concession.
Pénaliser à tout va, est-ce la bonne solution ? On parle d’expulsion temporaire de 5 minutes pour ce genre de faute.
Je crois en effet que ce serait plus efficace. Tu triches, tu prends un essai en sous nombre et on remet les choses à plat. On ne peut pas continuer avec 30 pénalités par match.
Julien Castagnet