Benoît Mouclier, français et international hongkongais

Avant d’aller affronter le Japon en test match, la sélection de Hong Kong vient de dévoiler sa liste. Et surprise parmi eux, un français expatrié dans la region, Benoît Mouclier, a été sélectionné et a gentiment accepté de répondre à nos questions.

Benoît pouvez-vous vous présentez en quelques mots ?

Bonjour Grégory, je m’appelle Benoit Mouclier. J’ai 31 ans, marié et papa de 2 petites filles (Lise, 2 ans et Emma, 1 mois). Je vis à Hong Kong depuis 6 ans où je travaille pour le groupe hôtelier Marriott International. Je joue au rugby à XV dans le championnat local ainsi qu’à XIII. Je vis en Asie depuis presque 16 ans. J’ai notamment grandi ici, à Hong Kong entre 1993 et 1998.

Comment avez-vous débuté le XIII ? Quel est votre parcours dans le rugby ?

À la base, mon sport de prédilection est le Judo, je l’ai pratiqué pendant environ 12 ans. Puis, je me suis lassé, j’ai eu envie de pratiquer un sport d’équipe. J’ai commencé le rugby en 2009, à l’Ecole Hôtelière de Lausanne où je faisais mes études. Nous étions en Division 2B Suisse si je me souviens bien, un vrai régal. Entre 2010 et 2012, j’étais à Pékin, mon emploi du temps ne me permettait malheureusement pas de jouer au rugby. Je suis arrivé à Hong Kong en 2012 pour mon travail et j’ai pu reprendre. J’ai immédiatement rejoint le club de Valley RFC, qui est un véritable club historique ici. L’équipe première est tenante du titre de la Hong Kong Premiership depuis 6 années consécutives, un record. Je ne joue pas en Premiership hélas, j’ai commencé le rugby tard et le niveau est vraiment élevé avec des joueurs venant de partout dans le monde. Il y a même des anciens joueurs de Top 14, Pro D2 / English Premiership qui viennent jouer ici en fin de carrière. Je joue dans les divisions nationales en dessous. Cette année, nous sommes allés en finale de la Ligue Nationale 3 avec les Valley Stallions. Le niveau entre la Ligue Nationale 2-4 est relativement proche.
En ce qui concerne le rugby à XIII, j’ai commencé l’année dernière. J’ai joué quelques matchs par curiosité pour le sport dont je ne connaissais pas bien les règles. J’ai tout de suite beaucoup aimé le jeu, très rapide, avec de gros impacts.

Combien de clubs à Hong-Kong et comment est structuré le championnat ?

Le XIII est très jeune ici mais progresse de plus en plus. La Hong Kong Rugby League (HKRL) n’a vu le jour qu’en décembre 2014. En 2015, il n’y avait que des matchs amicaux entre joueurs voulant pratiquer le XIII venant du XV. Le Hong Kong Residents XIII est une équipe (non nationale) qui a commencé par faire des tournées en Asie et a donné l’opportunité à des joueurs locaux de toucher un peu au XIII. En 2017, la ICG Super League est née. C’est la toute première compétition domestique de rugby à XIII à Hong Kong.

Il n’y a que 4 équipes pour le moment, composées de joueurs venant des clubs de rugby à XV :

1. Wanchai Warriors
2. Valley Broncos
3. Carnegies Kowloon Tigers
4. HKS Reivers

Je pense que le nombre d’équipes va augmenter.

La saison de XIII se joue en général entre mai et août car le XV est tellement important ici, qu’il est difficile de trouver des stades disponibles entre septembre et avril. En plus de cela, tout le monde joue à XV ici. Avec l’influence britannique, c’est vraiment un des sports les plus importants de Hong Kong. Le rugby à VII est aussi très connu. Le tournoi de Hong Kong est d’ailleurs le plus réputé au monde. En plus de la Super League, depuis 2 ans, nous jouons un tournoi sur 2 jours : le HKRL Battle of Origin. Un tournoi sympa ou s’affrontent deux equipes (le Nord et le Sud) composées de joueurs locaux venant de l’hémisphère Nord et ceux du Sud.
Le tournoi le plus important chaque année reste le HKRL Nines (9’s). Il a lieu aujourd’hui 27 mai, à King’s Park Sports Ground, Kowloon. C’est la 4ème édition. 8 équipes venant de Hong Kong mais aussi de l’étranger s’affrontent sur un tournoi d’une journée. En 2017, ce sont les Diamond Chiefs (Papua New Guinea) qui ont remporté le tournoi en battant Esarn All Stars (Thailand). Cette année, le Tonga ont même envoyé leur équipe nationale “development” (joueurs de première et deuxième Division du Tonga). C’est dire l’intérêt que porte ce tournoi. Je dois travailler aujourd’hui malheureusement, ce sera pour l’année prochaine !

Plus globalement que représente le XIII à Hong Kong ?

Le XIII grandit. Le nombre d’équipes qui s’inscrivent dans les tournois locaux ne cesse d’augmenter. Le fait de voir des équipes de l’étranger venir jouer à Hong Kong montre aussi l’engouement du XIII. Il y a même des parents d’enfants qui demandent s’il n’y a pas de section pour jeunes en XIII ce qui n’est pas encore le cas. Notre premier test match contre le Japon a obtenu 23 000 vues sur internet et de nombreux articles dans les journaux locaux.

Comment devient-t-on international en rugby à XIII à Hong Kong ?

Mon plus grand rêve aurait été d’être sportif professionnel. À 31 ans, c’est un peu tard. L’an dernier, quand j’ai vu qu’il y avait des sélections pour rejoindre l’équipe nationale de Hong Kong de Rugby XIII, je me suis dit « qui ne tente rien n’a rien ». Peu importe le sport ou le niveau, représenter un pays n’est pas donné à tout le monde. Et représenter Hong Kong où j’ai grandi, qui plus est dans un sport que j’aime, c’était l’occasion rêvée. Pour être éligible, il faut soit être né ici ou avoir le passeport chinois, soit avoir la carte d’identité permanente ou être ici depuis minimum 5 années consécutives. J’ai fait les sélections parmi une cinquantaine de candidats et j’ai eu le privilège d’être sélectionné.

Vous allez affronter le Japon après la courte défaite l’an dernier. Comment voyez-vous ce match ?

L’an dernier, nous étions tous un peu impressionnés par l’enjeu, surtout dans les premières 40 minutes. C’est en deuxième mi-temps que nous avons réalisé que nous pouvions gagner. Nous ne sommes pas passes loin (défaite 22-24). Cette année, nous sommes prêts. Nous nous entraînons dur, sous la chaleur à 35 degrés ici. Sur les 17 du match de novembre, 11 sont restés et du sang neuf arrive. Nous avons un groupe jeune, avec un bon équilibre et du caractère. Nous allons au Japon pour gagner.

En fin d’année vous allez jouer le Coupe du monde des pays émergents. Hâte d’y être ?

Oui (rires) ! Super excité, j’espère être sélectionné ! C’est un gros tournoi avec des équipes ayant un niveau très différent. Des équipes comme la Grèce sont composées de joueurs jouant essentiellement en Australie (un peu comme le Liban en Elite). D’autres équipes comme les Philippines, Malte, le Canada, jouent ensemble depuis bien plus longtemps que nous. La Grèce et Malte sont par exemple inscrites au tournoi de qualification pour la RLWC 2021 en Angleterre, il y a du gros niveau.

Quelles seront vos ambitions lors de ce tournoi ?

J’aimerai vous dire que nous allons gagner mais ce serait ne pas regarder les choses objectivement. Il faut être réaliste. Nous y allons en tant que petit poucet, nous n’avons que 2 matchs internationaux dans les jambes. Nous sommes 45ème au classement mondial, le Canada et Malte sont 17/18eme, la Grèce et les Philippines sont 23/24eme. Rivaliser avec ces nations va être compliqué. Mais nous comptons bien nous défendre et faire honneur à Hong Kong. C’est une expérience unique et encore une fois, jouer pour une équipe nationale n’arrive pas à tout le monde, alors jouer une coupe du monde, encore moins ! Il faut se préparer et surtout, se donner à fond et profiter un maximum de cette chance unique.

Comment voyez-vous le XIII français à l’autre bout du monde ?

Le XIII est un sport en plein développement, j’aimerais bien que le journal L’Équipe en parle un peu plus. Je suis un peu les résultats des Dragons Catalans et bien sur de l’équipe de France mais j’aimerais que le XIII soit plus médiatisé. Ça permettrait aussi de pousser plus de joueurs XV à se convertir au XIII. Le XIII est tellement médiatisé en Australie par exemple, certaines régions ne jouent même plus au XV. En France, le XV prend toute la place ou presque et ça se reflète dans les résultats.

Grégory Caffort