Avis de tempête sur la sélection des Samoa
À quelques mois de la Coupe du monde, les stars de NRL ont exprimé leur lassitude envers le staff et la gestion des Samoa.
La situation est explosive aux Samoa. Il y a quelques semaines, le Daily Telegraph révélait que plusieurs joueurs samoans, actuels et passés de NRL, avaient signé une pétition pour demander le départ du sélectionneur Matt Parish. En poste depuis 2013, Parish n’a connu que 27% de victoires lors de son mandat. Mais au-delà des résultats, c’est la gestion et le caractère de Matt Parish qui sont dans l’oeil du cyclone.
Alcoolisme et absence de professionnalisme
Ancienne star de Penrith et St Helens, Tony Puletua a disputé la Coupe du monde 2013 avec les Samoa. Et pour Fox Sports, il a décrit une ambiance où le manque de professionnalisme était proportionnel à l’abus d’alcool :
On est arrivé à Perpignan le mercredi. On a jeté nos sacs dans nos chambres et on est directement allés à une réception. Le staff technique buvait et autorisait les joueurs à boire, alors que le match était prévu le weekend. Il y avait beaucoup, vraiment beaucoup d’alcool. Ce n’était pas juste quelques verres pour accompagner le repas. C’était une tournée complète. Et il n’y avait aucune instruction donnée par le coach. D’ailleurs, son staff et lui ne montraient pas l’exemple…
Tôt le lendemain matin, on était encore là. J’ai trouvé ça totalement non professionnel. Il y avait beaucoup d’alcool les semaines de match. J’ai même vu des femmes venir à notre hôtel, je ne sais pas pourquoi… Il y avait aussi des gens qui venaient régulièrement à notre hôtel pour boire. Ça n’aide pas. Quand tu sors d’un dîner d’équipe et que tu vois au bar de l’hôtel notre staff boire de l’alcool avec des gens qu’ils viennent à peine de rencontrer…
Choc des cultures et des générations
Dans la culture samoane, le respect des ainés et de la hiérarchie occupent une place centrale. Donc forcément, cette pétition pour renverser l’ordre établi a été très mal vue sur l’archipel. Le premier ministre en personne s’est exprimé pour demander aux joueurs de « rester à leur place ». Une situation qui inquiète Reni Maitua. Signataire de la pétition, l’ancien joueur des Eels a dit sur fox sports que cette action pourrait avoir des conséquences pour les signataires de la pétition, dont il fait partie :
Quand ils se retrouveront dans l’archipel, ils savent qu’il y aura un contrecoup à ce geste. Mais personnellement, je m’en fous. Tout ce que je veux, c’est que l’équipe obtienne de meilleurs résultats.
La plupart des joueurs actuels ont grandi en Australie ou en Nouvelle-Zélande. Mais leurs parents et les dirigeants veulent quand même maintenir cette tradition. Né à Auckland de parents Samoans, Nigel Vagana a confié que « la seule fois où mon père m’a appelé au sujet du rugby, c’était pour me passer un savon car une caméra m’a filmée alors que je prononçais des injures. »
Une situation que vit aussi Josh Papalii. La star des Raiders a déclaré au sujet du respect des anciens :
Mon père n’a jamais joué en NRL. J’y joue depuis 11 ans. S’il me dit quelque chose, je ne peux pas lui dire « arrête, tu ne sais pas de quoi tu parles. Tout simplement car ça ne se fait pas. C’est malpoli.
Les cultures différentes ne sont pas la seule source de tension aux Samoa. L’argent pose aussi question.
Une gestion financière opaque
C’est le nerf de la guerre. Et aussi sa cause principale. De nombreux joueurs actuels et passés de la sélection ont critiqué la gestion financière des revenus de la sélection. À commencer par l’ancien cadre des Sharks Sam Tagataese, qui a eu maille à partir avec la fédération samoane à ce sujet :
L’un des membres de la fédération m’a dit « vous gagnez déjà beaucoup d’argent en jouant en NRL. Pourquoi vous en demandez autant quand vous jouez pour les Samoa ? Jouer pour les Samoa est un honneur. Je me suis retourné et je lui ai dit « vous ne pouvez pas nous utiliser comme des outils qui vous rapportent ». Si vous êtes transparents avec l’argent, et qu’il est bien redistribué à la base, alors montrez le nous.
Je ne sais pas ce qu’ils font avec l’argent. Si ça revient à la communauté, je pense que la plupart des gars en serait ravie. On joue pour la fierté, mais on se sent utilisés. On met nos corps en danger, mais des gens continuent à nous dire qu’on a reçu une certaine somme pour ça.
Des troubles financiers confirmés par Josh Papalii. Appelé avec les Samoa lors de la Coupe du monde 2017, l’avant des Raiders a raconté avoir assisté à une réunion sous tension entre les joueurs et la fédération :
À la Coupe du monde 2017, des joueurs sont venus en réunion et ont demandé leur argent de la dernière Coupe du monde (2013). Ils étaient très énervés envers le staff et continuaient à se plaindre qu’ils n’avaient pas reçu l’argent promis pour la Coupe du monde 2013.
Quatre ans après… J’ai trouvé ça vraiment petit.
L’avenir de la sélection en péril ?
Lassés de ne pas avoir été écoutés et des tensions financières, les joueurs pourraient purement et simplement boycotter la sélection. Une hypothèse appuyée par Reni Maitua, qui craint que la sélection implose rapidement :
La prochaine fois qu’il y aura un test, les troupes risquent de faire défaut. Personne ne voudra y aller. Matt en a fait assez, on a besoin d’une nouvelle tête pour faire revenir les talents aux Samoa. Sia Soliola est le leader numéro 1. Il est le seul gars en NRL qui peut influencer les plus jeunes. Il est un leader, sans avoir besoin de beaucoup parler.
Mais il ne joue plus en sélection depuis 2013. Vous ne vous demandez pas pourquoi ? C’est dérangeant que personne ne voit ça au sein du staff samoan. C’est déroutant qu’ils veulent continuer avec les même méthodes. Tant que ça sera comme ça, rien ne changera.
Son ex-coéquipier aux Bulldogs Nigel Vagana est allé dans son sens. Pour lui, il n’y a plus que deux options. Le départ de Parish ou un boycott des joueurs :
Je pense que si Su’a (le président de la fédération samoane) dit à Matt Parish « ton temps est fini chez nous », il s’en ira. La clé pour remettre les Samoa sur la route est entre les mains de Su’a. La seule autre alternative est un boycott des joueurs.
À quelques mois de la Coupe du monde, la situation aux Samoa semble plus explosive que jamais. Malgré un potentiel de joueurs formidable, la sélection pourrait ne pas s’en remettre. Dommage pour ce pays passionné de rugby à XIII.
Josh Papalii tells @GLR_Clarke he would consider permanently pledging his allegiance to Samoa – but only if there's change at the top
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— Fox League (@FOXNRL) May 12, 2021