Au coeur du rugby à XIII italien avec Matteo Portoghese
Nous avons rencontré Matteo Portoghese, responsable des réseaux sociaux à la fédération italienne, qui nous parle du rugby à XIII italien et de son développement.
Matteo, l’équipe nationale a gagné deux matchs, contre l’Afrique du Sud puis Niue, quel bilan fais-tu de ces succès ?
C’est bien de voir les garçons gagner à ce niveau-là. Bien que le rugby italien a été impliqué dans de nombreuses compétitions (Euro U19, féminines) cette saison, l’équipe masculine n’avait pas joué depuis la défaite contre les Fidji lors de la Coupe du monde 2017. C’est de bonne augure de voir de nouveaux joueurs en sélection mais aussi des vétérans comme Brenden Santi, Josh Mantellato et aussi Terry Campese qui restent impliqués.
La plupart des joueurs présents lors des victoires face à l’Afrique du Sud et Niue sont des australo-italiens, fiers de porter les couleurs de leur héritage. Mais c’était bien de voir des joueurs formés en Italie comme Gioele Celerino et Simone Boscolo, qui se sont maintenant installés en Australie. Gioele a joué pour les Campese’s Queanbeyan Blues (Canberra) la saison passée, alors que Simone joue pour les Tully Tigers dans le North Queensland. Les matchs internationaux sont toujours durs et ces deux rencontres n’ont pas dérogé à la règle. C’est une bonne préparation pour les qualifications pour la Coupe du monde en 2019 où nous verrons les meilleurs joueurs que ce soit d’origines australiennes et de notre championnat.
Si on revient un peu en arrière, il y a eu la Coupe du monde 2017, 1 victoire pour deux défaites, espériez-vous mieux ?
C’était la deuxième Coupe du monde pour l’Italie donc les supporters pouvaient espérer un meilleur résultat qu’en 2013. Mais encore une fois, nous n’avons pas franchi la phase de groupe. Pour être honnête, nous n’avons pas eu beaucoup de chances, Terry Campese, un des meilleurs ouvreurs du monde, était absent face à l’Irlande et aux USA, et le jeune Jack Johns, qui est très talentueux, s’est cassé le bras lors du premier match.
Le match contre l’Irlande fût intense, nous avions quelques joueurs de NRL mais ils avaient beaucoup de joueurs expérimentés en Super League et ont été meilleurs. Face aux USA, nous avons été meilleurs mais battre les Fidjiens pour le dernier match s’est avéré juste impossible. 8 jours plus tard, ils battaient la Nouvelle-Zélande et prouvaient qu’ils étaient l’une des meilleures équipes au monde.
Donc oui, j’attendais de meilleurs résultats, spécialement contre l’Irlande même si je suis un grand fan de Mark Aston (leur coach à l’époque) et des joueurs comme Liam Finn, Scott Grix, Michael McIlorum, Kyle Amor, Louie McCarthy-Scarsbrook, Tyrone McCarthy, etc… ils ont beaucoup d’expérience au haut niveau et on savait que ça n’allait pas être facile.
Plus globalement comment juges-tu l’évolution du niveau de la sélection ces dernières années ? A quelle place est-elle dans la hiérarchie mondiale ?
Nous sommes actuellement à la 13ème place au classement mondial de la RLIF, donc je peux dire que nous sommes dans une bonne position, puisque nous sommes une fédération relativement jeune. Certains diront que c’est grâce aux Australiens d’origine Italienne mais nous avons joué plusieurs tests matchs avec beaucoup de joueurs du cru ces dernières années et nous développons le jeu en Italie. Hormis le « Big 3 » (Australie, Nouvelle-Zélande et Angleterre), on ne peut pas évaluer le niveau d’une équipe avant de savoir combien de joueurs évoluant en NRL/QLD Cup/NSW Cup ou Super League/Championship sont sélectionnés et c’est là que nous en sommes.
Pour moi, notre principal objectif est de créer un groupe solide, avec des joueurs qui se sentent appartenir à la sélection et capable de vivre en équipe, mais aussi associer des professionnels et des joueurs locaux. C’est un peu ce qui s’est passé lors du rassemblement pour la Coupe du monde l’an passé, lorsque les Italiens se sont entraînés et ont été tirés vers le haut par les joueurs d’origine, et il faut que ça se reproduise. En termes de hiérarchie, je pense que nous avons l’une des meilleures équipes en dehors du Big 3 et des Îles du Pacifique (Tonga, Fidji, Samoa).
La qualification pour la Coupe du monde 2021 est l’objectif minimum ?
Et bien nous nous sommes qualifiés en 2013 et 2017, bien sûr nous voulons être de la partie en 2021 aussi. Ce ne sera pas facile, nous avons beaucoup de jeunes joueurs et avons perdu quelques vétérans mais nous sommes optimistes et Leo Epifania, le coach lors des tests matchs à Sydney, l’est aussi. Pour se qualifier pour la Coupe du monde 2021 en Angleterre, ce qui peut être très important pour le développement du jeu dans toute l’Europe, nous devons avoir une équipe compétitive sur le long terme. J’ai hâte de voir l’Italie lors des qualifications.
Le match contre le Pays de Galles à Milan en 2016 a été très intense. Donc oui, un spot à la Coupe du monde est notre principal objectif et nous voulons aider au développement de ce sport et faire découvrir le rugby à XIII en Italie. Ce serait fantastique, pas seulement de se qualifier mais aussi d’avoir les matchs à la télévision Italienne.
Quel est le niveau du championnat masculin en Italie ? Est-ce qu’un championnat de clubs européens pourrait–être une bonne chose ?
Dans un monde idéal, un championnat européen serait vraiment top pour développer notre sport, je pense notamment à quel point la Balkan League a pu aider. Mais l’argent vient tout de suite à mon esprit, quand on ne fait pas partie du premier tiers des Nations, il est difficile d’organiser une tournée et ce n’est jamais simple de composer une équipe avec des joueurs amateurs pour voyager car ils doivent être absents de leur travail par exemple. Mais je reconnais que nous devons être inventifs et créatifs.
Nous avons une équipe italienne, Saluzzo North West Roosters, qui évolue dans le championnat français avec la ligue Provence-Alpes-Côte d’Azur en Division Nationale 2 et je suis un fan du Red Star Belgrade qui va disputer la Challenge Cup en 2019. Alors peut-être qu’un championnat européen est trop mais nous devons développer notre championnat local pour pouvoir entrer dans les championnats français et anglais. Car jouer contre les meilleurs est important pour progresser. Le niveau de notre championnat a augmenté grâce aux stages et à des entraîneurs qualifiés mais ce n’est pas facile de travailler sur les compétences de chacun s’il joue au XIII que pendant l’été.
Au sujet des féminines, elles affrontent la France à Carcassonne samedi prochain, quelles ambitions sur ce match ?
Cela va être le troisième match pour nos filles après leur victoire face au Liban en 2017 et leur défaite face à la France à Toulon en 2018. Je m’attends à une rencontre difficile car le XIII féminin est développé et plus globalement le sport féminin a une vraie place en France. Les Italiennes, 9èmes au classement mondial, vont faire face à une vraie opposition avec en face des filles qui jouent toute la saison à XIII.
Nous serons les outsiders mais dans le rugby on ne sait jamais ce qu’il peut arriver. Sinon j’aime vraiment l’idée que le match soit avant celui du championnat d’Europe masculin entre la France et l’Ecosse, cela permet au XIII féminin d’être plus exposé. On regarde pour travailler avec les responsables communications français et anglais pour participer à la couverture de ces deux matchs en ligne. Nous devons faire prendre conscience aux sportives qu’il y a un super sport, le rugby à XIII, qui est amusant à regarder et à jouer.
Est-ce que le rugby à XIII féminin arrive à se faire une place en Italie ?
Actuellement, la fédération Italienne travaille à la création et au développement d’un championnat féminin. Ce n’est pas facile et nous avons besoin de plus de fonds pour que les joueuses puissent s’entraîner et jouer toutes les semaines. Le XIII féminin est bien implanté en Sicile et dans le Nord Est de l’Italie. Toutes les joueuses avec qui je discute me disent qu’elles sont tombées amoureuse du XIII et qu’elles sont très fières de porter les couleurs de l’Italie au niveau international.
A plus long terme, si nous arrivons à créer une compétition féminine en Italie, cela sera plus simple d’attirer des joueuses. Il y a aussi l’aspect des coachs et des arbitres à prendre en compte. C’est un ancien international italien qui entraîne l’équipe nationale féminine, cela leur permet d’échanger leurs expériences.
Quelles sont les plus grosses problématiques auxquels vous vous heurtez pour développer le XIII en Italie ?
La première chose est que nous devons trouver plus d’argent. C’est avec des moyens supplémentaires que nous pourrons créer des clubs, des infrastructures et des tournées. C’est ensuite à nous d’être concret avec le travail sur le terrain et j’aime comment la communauté australo-italienne partage son expérience et ses connaissances du XIII avec nous. Nous pouvons et devons encore faire mieux bien évidemment. Tous les joueurs de rugby qui essayent notre code l’aime mais il y a toujours des a priori sur le XIII. Certains quinzistes qualifient le jeu d’ennuyeux ou d’autres non-sens dans ce genre. Alors je leur réponds de venir essayer et de me donner leur avis ensuite.
Et puis je souhaiterais voir le XIII à la télévision en Italie. J’aimerais que cela arrive et que le XIII soit traité comme un vrai sport et non comme une variante du XV. Les deux sports sont géniaux et méritent le respect.
Quelles sont les relations entre le XIII et le XV en Italie ?
Il n’y a aucun lien entre la FIRL (Federazione Italiana Rugby League) qui est devenu membre de la RLEF en mars 2017 et la fédération de rugby à XV. Il y a eu certains internationaux qui ont joué aux deux rugby, Mirco Bergamasco est le dernier et notre championnat d’été est très utile pour les joueurs de XV qui viennent travailler leur technique.
Certains clubs de XV sont très coopératifs, ils accueillent nos stages, nos entraînements et nos matchs. Enfin certains de nos entraîneurs ou staff sont impliqués dans les deux codes. Dans le futur nous allons développer une saison en hiver aussi en Italie pour avoir des joueurs qui viennent au XIII et qui y restent toute la saison. Mais il est important de dire que chacun est libre de pratiquer le sport qu’il veut. La liberté est primordiale.
bel article